Passer de l’accumulation de capital au décaissement de son régime de retraite n’est pas une simple transition financière. C’est un processus hautement émotionnel. Et qui dit émotions ne dit pas toujours choix sensés. C’est là que la toute nouvelle science de l’économie comportementale peut s’avérer utile. Elle jette la lumière sur les erreurs courantes que les gens font à propos de leurs finances. Cela comprend les régimes de retraite au travail.

Dans le cadre de ses fonctions, Mme Rain contribue à la conception de produits de retraite et de documents d’information qui épaulent les participants. 

Les promoteurs et fournisseurs de régimes peuvent aider les futurs retraités à comprendre les émotions qui influencent leurs décisions concernant la planification de leur retraite – et à prendre celles qui seront favorables pour eux. 

1. Le biais du comportement par défaut

Le cerveau humain est programmé de manière à opter pour les choix faciles, car cela lui permet de dépenser moins d’énergie. « La plupart des gens prennent les choses comme elles viennent », dit Mme Rain.

C’est ce qui explique pourquoi nous avons tendance à manger toujours la même chose au déjeuner ou à rester fidèles à une marque de jeans. Or, ce genre de décisions ne comprend pas d’enjeux majeurs, contrairement à d’autres. Conserver un comportement par défaut, alors que nos circonstances ne sont plus les mêmes, peut effectivement engendrer des problèmes.

Actuellement, le comportement par défaut de bien des gens consiste à ne pas épargner en prévision de leur retraite. Dans ce contexte, les promoteurs de régime sont appelés à aider les participants à adopter de nouveaux comportements par défaut plus avantageux. Par exemple, ils pourront les inciter à établir des virements automatiques vers leur régime de retraite collectif.

2. La perception du coût des tracas

Nous voyons toute activité complexe comme quelque chose qui nous embête et nous prend du temps. La planification de la retraite, qui est remplie d’inconnues, en fait partie.

« On a tendance à délaisser une activité dès qu’elle nous demande le moindre effort », explique Mme Rain.

Les promoteurs peuvent décomplexifier la planification de la retraite en la présentant en termes simples et comme un processus décomposable en plusieurs petites étapes. Par exemple, ils peuvent entamer la discussion avec les participants en les encourageant à se fixer des objectifs de retraite généraux. Ils peuvent aussi leur expliquer en quoi consiste l’intérêt composé et pourquoi ils devraient cotiser à un régime collectif plus tôt que tard. Une fois ces concepts assimilés, il sera toujours temps d’aborder les détails plus complexes.

3. La tendance à faire l’autruche

Envisager de planifier sa retraite suscite souvent des émotions négatives chez les participants. On s’inquiète de ce que ce sera de vieillir, on craint de survivre à ses économies. Résultat, on préfère éviter d’y penser.

« Comme les gens ont tendance à faire l’autruche, souligne Mme Rain, ils iront même jusqu’à ignorer un courriel qui indique "régime de retraite" comme objet. »

Que faire pour que les participants ne se mettent pas la tête dans le sable? Mme Rain suggère de présenter les concepts reliés à la retraite sous forme de récit. Les histoires, les anecdotes et les témoignages sont souvent plus efficaces que la stricte transmission de données et de chiffres. Ils rendent le sujet plus concret, plus accessible.

4. L’actualisation hyperbolique

 

Les études démontrent que les gens préfèrent toucher 50 $ aujourd’hui que 100 $ l’an prochain. Autrement dit, ils aiment mieux avoir une récompense tout de suite plutôt que d’en recevoir une plus généreuse plus tard. Cet attrait pour la gratification immédiate est l’une des raisons qui expliquent pourquoi l’épargne-retraite passe après les vacances, par exemple. 

Ce biais cognitif, qu’on appelle l’actualisation hyperbolique, n’affecte pas seulement la façon dont nous voyons l’argent. Il influence aussi la conception que nous avons de notre bien-être à venir, souligne Mme Rain. « C’est démontré neurologiquement. L’activité cérébrale déclenchée lorsqu’une personne parle de son avenir ressemble beaucoup à celle qui est déclenchée lorsqu’elle parle d’étrangers. »

Les promoteurs de régime peuvent intervenir auprès des participants pour rendre leur avenir plus concret. Pour ce faire, ils les inciteront à parler, par exemple, de leurs objectifs et de leurs rêves, et à s’imaginer en train de les réaliser. « Le lien émotionnel par rapport à l’avenir sera ainsi plus solide, dit Mme Rain. Ce genre de discussion crée un sens des responsabilités et aide à comprendre que l’avenir dépend des actions présentes. »

5. La surabondance des choix

 

Les gens affirment qu’ils veulent plus d’options, mais ils sont souvent dépassés quand ils ont trop de choix. « Cela donne lieu à un phénomène d’évitement, dit Mme Rain. Lorsque notre esprit est surchargé, nous réagissons tout simplement en ne prenant pas de décision. » 

Les promoteurs gagneraient à présenter aux participants moins d’options de planification, avec des renseignements de base concis sur chacune.

6. La preuve sociale

Lorsque nous faisons face à une nouveauté, comme la planification de la retraite, nous avons tendance à vouloir savoir comment les autres l’ont appréhendée. « Nous observons ce que les autres font pour confirmer, en quelque sorte, ce que nous faisons ou ferons », explique Mme Rain.

Or, ce qu’on entend surtout à propos de la planification de la retraite, c’est que les gens ne mettent pas assez d’argent de côté. Si l’on suppose que personne n’épargne, on sera moins pressé de le faire.

Toujours selon Mme Rain, le discours dominant devrait plutôt porter sur les nombreuses personnes qui réussissent à épargner pour la retraite – et sur leurs trucs. Ce serait une preuve qu’il y a avantage à le faire. 

7. L'aversion aux pertes

Psychologiquement, épargner en prévision de l’avenir équivaut à perdre de l’argent aujourd’hui. Et cette « perte » est souvent vue comme plus importante que le gain réel. Ce phénomène s’observe particulièrement à la retraite, lorsque vient le temps de décaisser. Les gens ont l’impression de voir disparaître ce qu’ils ont accumulé pendant des décennies.

Mme Rain suggère aux promoteurs de régime de recommander la méthode SMART lorsqu’ils abordent la planification de la retraite avec les participants. Cette méthode encourage les participants à viser des objectifs spécifiques, mesurables, atteignables, réalistes et temporellement définis. Selon les études, tout plan établi en fonction de ces critères est plus motivant et plus gratifiant. Il forme une excellente feuille de route, assortie d’étapes clairement déterminées. 

8. L’aversion à la dépossession

Les gens accordent trop de valeur à leurs actifs. « Lorsqu’on a passé tellement d’années à épargner, dit Mme Rain, une fois à la retraite, on a l’impression d’avoir un trésor et on veut le conserver. »

Dans cette optique, les promoteurs de régime peuvent aider les participants à visualiser la façon dont ils financeront leurs nouveaux rituels quotidiens, ainsi que des projets plus onéreux, comme des voyages. Selon Mme Rain, cette prise de conscience leur procurera plus de bien-être et un sentiment de contrôle. Ils aborderont mieux la transition vers la retraite et le décaissement qui l’accompagne inévitablement. 

9. Le biais de l’optimisme

Certains participants affichent beaucoup d’optimisme par rapport à leur retraite. Ils sont convaincus que leurs placements seront très rentables et qu’ils auront moins de dépenses. Ils pensent aussi qu’ils vivront longtemps et bénéficieront d’une excellente santé. Il est possible que tout cela se réalise – ou non. Pour tirer parti de cet optimisme, les promoteurs peuvent créer des régimes qui misent sur la facilité, l’attrait, l’aspect social et l’opportunité.

Selon Mme Rain, les virements ou retraits automatiques éliminent certains irritants et sont des vecteurs de facilité. L’attrait se traduit par l’intégration d’objectifs significatifs, comme faire du bénévolat ou passer ses étés au chalet. Pour combler l’aspect social, les promoteurs peuvent présenter aux participants certaines activités avantageuses, telle la planification successorale, comme quelque chose que tout le monde fait. Et ils peuvent les encourager à envisager la retraite à un moment opportun, soit quand ils sont très réceptifs. Pensons notamment au retour des vacances, lorsque leurs souvenirs de farniente sont encore frais dans leur mémoire.